Mon oeuvre
- tinaconus
- Oct 2, 2023
- 6 min read
L'écriture et moi, ça n'a pas commencé tout de suite: à l'adolescence en Anglais et vers la vie adulte en Français. Pour ce dernier, j'ai commencé à écrire des poèmes pendant les cours et puis m'est tombé dessus un thème pour mon travail de maturité: écrire sur soi, écrire sur les autres, revisiter la mémoire. C'était mon premier choix et je l'ai eu. C'est un projet de plus de 70 pages, regroupant partie préliminaire explicative, oeuvre et analyse. J'aimerais bien vous la partager... je ne pensais publier que l'oeuvre et sortir quelques chapitres par semaine. Alors sans plus attendre, voici mon oeuvre: 3 secondes.
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Figure 1: mental chaos
I. Wings[1]
Ma vision s’obscurcit, je me sens glisser vers un lieu familier
Je l’appréhende pourtant, source de tracas éternel.
Pour une fois, je me laisse entrainer par le courant de ma mémoire malgré le danger apparent : la douleur, la confusion, la tristesse m’attendent au bout du chemin. Mais je les regarde enfin dans les yeux. Ils me soutiennent et me menacent depuis toujours, aujourd’hui je les abandonne.
Ma mémoire prend le contrôle pour la première et dernière fois, je m’apprête à revivre tout ce que j’ai enfouis au plus profond de moi. Une pression sur ma poitrine et une boule au fond de ma gorge annoncent la souffrance imminente. Cette fois-ci elle ne va pas gagner, cette fois-ci je vais l’apprivoiser. Seulement, je dois d’abord la laisser m’engloutir entièrement…
II. Young, Wild and Free[2]
Détente. Amusement. Appartenance. Euphorie. Je n’ai aucune notion de temps. Les instants s’enchainent et s’échappent de ma paume. Je ne suis pourtant pas déçue, un instant perdu, un autre trouvé. Le temps perd sa définition…en bien, le sens contraire viendra plus tard. Des visages familiers m’accueillent et d’autres m’acceptent. C’est son anniversaire, on s’entend malgré nos différences. Aucune tension, non, on est là pour lui. Et puis je retrouve ma famille. C’est Rosmo, c’est Bolio, c’est l’Instable, c’est Shob. La musique est forte, la voiture va vite, on est libre. On va là où le vent nous emporte. On rencontre des gens, on se déplace, on se taquine, on se prend dans les bras, on fait des allers-retours, on perd des membres, on les retrouve. Si simple, si désordonné, si libérateur, si moi. Le temps passe terriblement vite mais on ne le voit pas. Seulement, il faut encore rentrer. Les uns se rentrent, les autres restent. On se dit au revoir, Adiondong[3] ! Mais les festivités continuent. Il faut ramener Shob, mais pourquoi elle habite aussi loin de nous ! Bolio roule à vive allure, je lui fais entièrement confiance. A nouveau on se dit au revoir et il ne reste plus que lui et moi. Alors c’est plus calme. On discute, on dévoile ce qui reste caché dans un grand groupe. J’apprends à mieux le connaître, je déshabille une partie de mon âme. On se comprend mieux maintenant et notre amitié s’approfondit. Et puis on refait une connerie et on retourne à la case départ, on continue cet anniversaire. D’autres se réveillent et nous on continue la soirée, enfin la matinée. On boit notre café en même temps qu’eux, le nôtre épicé par contre. On discute un moment, on rigole. Loan et ces lunettes, quelle vidéo ! Puis on va gentiment dormir, mais pas pour longtemps. On se réveille, on achète à déjeuner, on range et on est reparti. Et je suis à la maison, c’est si vide tout à coup alors, comme une histoire à tiroir, je voyage dans un souvenir alors que je suis déjà dans un souvenir. J’essaie de faire revivre des souvenirs pour ne pas laisser s’échapper ces souvenirs. Mais cela prend un tournant et je me retrouve dans un souvenir beaucoup moins chaleureux. Une soirée à nouveau, mais il y a beaucoup plus de monde. Ces visages familiers se mélangent avec d’autres et contrairement à cet anniversaire, je ne me sens pas à ma place. Je perds ces visages dans une foule. Je m’arrête, je respire, je vois à peine mon visage dans la glace, mais yeux s’affaissent sous le poids de mes paupières et je perds mon visage aussi. Et puis je suis seule dans cette foule, sans même avec moi-même... alors j’arrive dans une autre pièce de ma mémoire...
III. Lonely[4]
Je déteste cet endroit. Tout semble étranger, rien n’est familier. Pourtant des visages familiers se présentent, ils sont flous et ne m’inspirent pas confiance. Je n’arrive pas à m’y connecter. Les mots ne parviennent pas à mes oreilles ou me semblent insensés. Les bruits se mêlent et se brouillent.
Alors que le monde continue à tourner, alors que la vie quotidienne se déroule, alors que les gens s’activent autour de moi, je suis retirée de la réalité…Rien n’est vrai. Le bruit des voitures est différent, les voix des gens sont distordues, les paysages sont étrangers. Une force me tire de ce monde, je ne suis plus moi. Mon corps et mon esprit sont ennemis. Le décor, les personnages, les actions s’envolent et je ne fais plus partie de mon propre film. Plus que jamais, je me sens seule. Je suis entourée de ce monde, de ces gens, de ces bruits mais pourtant je ne le suis pas. La vie autour de moi est floue. Ma vision ne perçoit pas mon entourage, mes oreilles ne discernent pas les bruits, ma peau ne sent pas l’air, mon âme ne reconnaît plus la vie. On me parle mais les voix se dissipent. Ça va ? Oh juste un peu de fatigue. Mais c’est bien plus que cela. Réalité devient illusion. Vie devient immobile. Moi devient rien. Alors au milieu d’une foule, je suis inondée par moi-même et me sens pourtant la plus seule au monde. C’est tout de même incroyable ! Comment puis-je être la personne m’affligeant le plus de peine ? Et d’où ce sentiment sort-il ? De nulle part ? Non, je ne me sens plus à ma place bien que je le sois, je ne m’appartiens plus bien que je n’appartienne à personne d’autre, ma vie s’évapore bien qu’elle ne puisse s’évaporer qu’après la mort. Alors je me perds et mes pensées elles aussi deviennent floues. Je me sens encore plus seule qu’avant, j’avais pourtant dit que je me sentais la plus seule au monde ! Je me contredis en permanence et mes réflexions ne servent plus à rien. Je deviens moins que rien. Il ne reste plus rien. Je ne suis plus, j’étais. Je me sens seule au milieu d’une foule, une foule avec un visage familier. N’avais-je pas dit que le monde était flou ? Je me trompe à nouveau ! Ah mais.. c’est.. c’est moi...c’est moi? Je me trahis moi-même. C’est pire alors que ce que je pensais. Mais pourtant elle essaie de me ramener dans sa réalité. Elle veut m’aider... mais je n’ai pas besoin d’aide! Au secours ! Mais bordel ! Différentes versions de moi se multiplient et ne savent pas ce qu’elles veulent. Je suis encore plus perdue et tout est encore plus étranger alors que c’est moi. C’est MOI bordel ! Mais non... tout reste flou. Je reste un fantôme…une poussière…
Je suis enfermée dans mon propre souvenir, comme une boucle éternelle de l’Enfer, comme un héros antique condamné à un châtiment éternel. Mais comment vivre alors qu’on se sent déjà en Enfer ! Suis-je encore vivante ? Serait-ce mon châtiment ? Je me demande dans quels cercles de l’Enfer je me trouverais… Et avant de partir dans une spirale et d’arriver dans une autre pièce accablante, ma mémoire tire la sonnerie d’alarme. Alors ce souvenir se fend, part de chaque côté, comme les rideaux quand une pièce va commencer, et une lueur apparaît. Non comme la lumière au fond du tunnel mais comme un ange tombé du ciel. C’est ma mémoire, elle vient me sauver. Elle sait que je ne suis pas encore capable de me diriger seule dans ce manoir. Elle me prend dans ses bras et on s’envole pour une pièce plus paisible. Le voyage est court mais les traces du souvenir précédent me tirent en arrière comme un trou noir. Pourquoi les douleurs surpassent-elles toujours le bien être ? Mais avant que je reparte en spirale, ma mémoire accélère, la pièce suivante se rapproche et je me sens déjà plus apaisée.
[1] MAC MILLER. Wings, États-Unis: Warner Records & REMember Music, 2018. [2] SNOOP DOGG ; WIZ KHALIFA ; BRUNO MARS. Young, Wild and Free, New York : Atlantic, 2011. [3] Jeu de mot basé sur le deuxième nom d’un ami : « Adiondong » qui se rapproche de « adieu donc ». [4] CYRUS, Noah. Lonely, États-Unis : RECORDS, LLC et Columbia Records, 2019
Fig. 1 STEBENEV, Vladimir, Mental Chaos, 2011, dessin sur papier au crayon et stylo à encre, 64 x 90 cm, Moscou. Téléchargé le 15 janvier 2021 sur le site Pinterest, <https://in.pinterest.com/pin/289356344786053827/>
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Voilà mes trois premiers chapitres. Certains de vous paraissent dedans et j'espère que ça vous fait plaisir. Pour le reste, j'espère que ces lignes vous ont intrigués et donné envie de lire la suite... la semaine prochaine!
bisous, Tina
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